Un village nommé David

Au milieu de la ville était un village. Sa grande place carrée était plantée d’arbres et treize gargottes lui faisaient une ceinture animée et grouillante, fleurant bon l’absinthe et le café fort. On l’appelait le “Village aux Platanes”. Passé le coucher du soleil, personne ne s’aventurait dans ce coin mal famé, s’il n’en était originaire. Mais toute la ville aimait passionnément le Village pour ses clochards, ses ivrognes, ses prostituées, ses brocanteurs, ses marchands de timbres, de ferrailles et de meubles. Et alors que la guerre va envahir ce lieu privilégié, la touchante et merveilleuse amitié d’un petit enfant juif et d’un clochard agrégé de lettres et décoré des Palmes académiques. Ce roman, dont la verve et l’humour ne sont pas sans rappeler Raymond Queneau, met en scène bien des personnages attachants, mais il faut bien avouer que l’on est d’emblée séduit par ce quartier très particulier de Bordeaux, bien connu d’Albert Semtob qui y a passé la plus grande partie de sa jeunesse. Or, le Meriadeck a été récemment détruit, malgré l’émoi et les protestations des Bordelais, pour y bâtir des immeubles modernes. L’urbanisme est chose nécessaire et affaire importante, mais chacun, à Bordeaux, a aujourd’hui la nostalgie du Meriadeck, au même titre que Marseille regrettera toujours son “vieux port”. Parisiens, souvenez-vous des Halles... On a dynamité le “Village aux Platanes”. C’était sans doute utile, mais en fermant ce livre, peut-être penserez-vous comme nous, que c’est un peu dommage.