Le Diable aux trousses

Si vous aimez les livres d’aventures, où toutes les formules de l’amour s’enchevêtrent aux enlèvements, aux rapts, aux incendies, aux bagarres, vous lirez avec passion l’histoire vivante et légère d’Adélaïde Pargagnac. Née dans ce Périgord noir tout percé de grottes et de souterrains, notre effrontée, se croyant promise à quelque prestigieuse existence, force le destin à croire en elle, et à réaliser ses plus extravagantes chimères. Le Diable jouera dans la vie de cette personne un rôle fort important, sorte de compère de féerie dans cette suite d’événements situés au 17e siècle, ce Grand Siècle qui, au dire de Mirbeau, ne sentait pas que le musc. C’est Satan qui fait rebondir l’action, et redonne du cœur au ventre à sa jeune protégée lorsqu’il l’a malignement conduite vers quelque situation par trop périlleuse. Mais c’est un Diable qui n’a rien à voir avec celui des messes noires et des magies de même couleur. Non ! Et les stigmates, dont il a marqué notre héroïne, ne sont que stigmates charmants. C’est donc ce grand pendard, qui fait s’enfuir la belle Périgourdine de l’auberge paternelle, pour la jeter tout d’abord dans les bras d’un brigand, jeune et séduisant. Il ne laissera, bien entendu, ces amants passionnés jouir que peu de temps de leurs coupables et sympathiques amours. Veillant toujours sur Adé — à sa maléfique manière — il la précipite dans toute une série d’incidents, dépassant de loin les aspirations — au fond bourgeoisement matrimoniales — de la jeune aventurière. Il la cahotera ainsi de Bordeaux à Paris, de Saint-Cloud à Versailles, de la Provence aux Îles. Mais ceux qui désirent — dans un roman — trouver autre chose que l’aventure, la cape et l’épée, ne seront pas déçus : l’étude subtile du caractère d’Adélaïde, ce curieux mélange de hardiesse et de timidité, de présomption et de modestie, de libertinage et de vertus traditionnelles, pourra les satisfaire. D’autres seront intéressés par les lueurs projetées sur l’un des côtés les plus troubles, les plus insondables, des amours humaines, lueurs fort susceptibles de provoquer commentaires et remous. Harmonieusement balancés des repères de brigands aux somptueuses fêtes du Roi Soleil, du comportement des Corsaires à la vie nonchalante des planteurs martiniquais, tous les lecteurs aimeront le livre de Suzanne Mesrouze, qui a su lancer le « Diable aux trousses » d’Adélaïde, comme on accroche une fleur au bord d’un corsage.