Georges Simenon s’est toujours insurgé contre l’épithète d’intellectuel qui lui était accolée. Il ne voulait être qu’un romancier et refusait la notion même de littérature engagée. Il entendait se borner à transcrire ce qu’il ressentait. Il se situait par rapport à Balzac en rappelant que si celui-ci avait dépeint « l’homme habillé », lui ne se consacrait qu’à « l’homme nu ». Or la lecture de son œuvre romanesque — romans durs, romans exotiques et Maigret — met en évidence que l’univers des personnages de Simenon ne doit rien au hasard. Ils se déplacent dans un monde et un État bien déterminés. L’écrivain a lui-même exposé avec précision dans Le passage de la ligne (1958) sa conception des rapports entre les individus et la société. D’un côté de la ligne se trouve la « surclasse » qui évolue de palace en palace, se partage le véritable pouvoir et les richesses du monde. Elle est hédoniste, affranchie de tous horaires, de toutes règles juridiques, et est courtisée sans pudeur par les hommes politiques. De l’autre côté de la ligne nous rencontrons, sur un vaste damier, le « troupeau », qui comprend aussi bien les grands industriels que les simples journaliers. Il est encadré par les juges et les policiers et soigné par les médecins qui constituent un monde à part. Les truands et ceux qui partent aux colonies échappent au troupeau. Le lien entre les différents mondes est assuré par les avocats. Dans cette comédie sociale et humaine, Simenon est allé au-delà de ce qu’il avouait. Formidable capteur d’impressions, il se révèle non seulement le témoin de l’homme et le romancier de l’humilité mais aussi un observateur privilégié et irremplaçable de son époque et de la société des années 1930-1970.

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